lundi 17 septembre 2007

MISERE ET SPLENDEUR


















5ème § - MISERE ET SPLENDEUR
Je m'agripe au livre de Mohamed Choukri: je ne veux plus le lâcher!
Je l'emmène partout avec moi, à travers la maison, ici ou là... Je le tiens comme un objet précieux et plus encore... Je le calle soigneusement au fond de ma paume, dans les pliures de mes doigts naissants qui l'entourent avec fermeté! Je presse ma peau contre sa couverture lisse, je la fais légèrement glisser pour en vérifier l'absence d'aspérité! Il est parfaitement inscrit dans un creux de mon corps! Aussi parfaitement que lorsque je l'aligne sur un angle du mobilier pour le replacer immédiatement au fond de ma paume...Il conduit mes pas, il leur donne un élan, un sens profond! Il a réussi l'exploit, de coller exactement à l'image idéale de la misère. Pas étonnant, puisqu'il ne parle en fait presque que de cela! Cette misère même que j'ai connue dans mon enfance, dans l'intimité profonde d'une enfance solitaire qui ne découvre de plaisir dans la vie, qu'à travers le désir sexuel!...
Y a-t-il autre chose à vivre aujourd'hui? N'y a-t-il pas encore et toujours cette misère du plaisir solitaire par une écriture dans laquelle je me sens solitaire encore?...
Ce matin, au bord du bord du trou, prêt à tomber dans cet autoenfermement où le désir de l'autre n'a plus de poids, où l'autre ne devient qu'un pantin sans consistance ou tout au mieux, d'autres egos échevelés, incompréhensibles et fantoches... Pourtant derrière moi, je peux voir le paysage se profiler, je sens que je ne tomberai pas! Devant, derrière, partout les immeubles se dressent, remplis de toute cette humanité qu'on peut tenter de partager... C'est pour ce partage que je travaille depuis plus de deux ans. Devant le trou depuis deux ans, c'est la première fois que je regarde derrière moi! Le trou se transforme alors en cachette dans laquelle je peux me réfugier, mon lieu intime où je peux jouir d'une totale liberté... Il se transforme en misère aussi: éternellement seul, mais visible de loin quand même, au regard des autres... Alors? Je me sens quand même bien enfermé dans mon appartement, celui-là où précisemment, je souhaite recevoir mes voisins pour un café, voir davantage!
Croire en cet atelier d'écriture... Mais dans les faits, en suis-je bien sür?... Suis-je bien sûr d'assumer un engagement de cette sorte? Suis-je sûr de tenir mes promesses? Est-ce que mon corps va suivre? Est-il en mesure physique d'apporter un plus, plutôt qu'un moins, aux personnes présentes? Si ce moins survient, ne vais-je pas désespérer de tout espoir de réussite? Je crains l'implacable désespérance... Elle ressemble à ce relent répulsif qui a fait de moi cet enfant rêveur. J'avais atteint le degré ultime de l'incapacité!... Le miroir restait très opaque, je n'y trouvais point de reflet... Je me cherche toujours chez les autres, je réclame qu'on parle de moi, je réclame d'entendre ce que je suis dans leur langage... Une reconnaissance où je puisse voir ce personnage que je suis pour eux et qu'ils le répète... Car une seule fois ne peut suffire: le portrait s'efface, je l'oublie trop vite, je ne peux pas y accéder moi-même... Aveugle! Je veux qu'on me le scande! Une exigence si grande, si constante, si obsessionnelle que je m'y épuise... Régulièrement, je m'écroule!...
LACHEZ! Rompez! Mais rompez, vous dis-je! Repos! Merci, messieurs!... Nous avons atteint le niveau trois de la mission qui nous a été confiée... Nous pouvons nous estimer satisfaits du travail effectué! Nous méritons une bonne tranche de repos, je vous souhaite de recharger les batteries du mieux possible, en attendant le prochain appel. Pour l'heure, vous êtes libres, le service des transports est à votre disposition pour que vous puissiez rejoindre les vôtres dès que possible... Bonne nuit et à bientôt!

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