L'AUTRE DE MOI

§ 8 L'AUTRE DE MOI
Depuis hier, j'ai l'impression de péter les plombs! Je me lève ce matin avec cette certitude!
Le psy d'à côté me propose de noter l'état d'âme dans lequel je me trouve au réveil. On en discutera à chaque séance et au bout de quelques mois, on verra la différence... Dit-il! En attendant que ça arrive, je bois du "petit lait"... délicieusement!... Je me vois, descendant tranquilement l'escalier avec mon carnet sous le bras, remonter le petit bout de rue et toquer à son cabinet... La salle d'attente et le bureau, nets, propres, sobres et design... Et puis les couleurs, orange, vert et blanc, surtout blanc!... Une personne au monde, une, me demande d'écrire pour parler avec elle de ce que j'ai à écrire! Je suis prêt, depuis si longtemps que je fais ça déjà! Justement, c'est ça que je veux: en parler! Et je n'ai jamais pu! Je n'en possède pas le pouvoir, je ne trouve pas l'ami, le confident avec qui échanger tout ça!... Je n'ai jamais arrêté d'écrire, pourtant!
C'est devenu tellement autocentré que c'en est incommunicable! A force de ne m'adresser qu'à moi-même, je ne tiens plus compte de l'échange de parole... Je me parle, Je parle à un moi-même qui est l'autre de moi à qui je confie tout mon monologue! Quand je relis, je ne le reconnais pas! Je suis étonné de l'impression que me font ces phrases: je crois avoir affaire à un autre individu!
Je repense au psy, le mien?... Son visage lisse, ses grands yeux noisette. Si juvénile, si bien disposé à faire son travail... Il a appris à utiliser des outils qui ont l'air si faciles pour lui!... Un vrai conte de fée! Je me vois, semaine après semaine, porté sur un nuage merveilleux. J'adhère à cent pour cent au projet qu'il me fabrique...
Mais, il y a un mais! Pour entrer dans sa belle tour en ivoire, semaine après semaine, des mois durant, il faut payer cher! Donc voilà: on a coupé court à ce qu'on n'avait même pas commencé! J'ai dans ma tête, l'image de quelqu'un qui ramasse un vieu chiffon sur son bureau, entre le bout des deux doigts, qui l'emmène vers la sortie et qui le lâche devant la porte, sur le trottoir et referme derrière lui...