samedi 22 décembre 2007

DANGER DE MORT !






















12ème§ - DANGER DE MORT!
Dix-sept heures. Le soleil est définitivement passé derrière l'immeuble. Je le vois maitenant de l'autre côté, comme au matin, éblouissant les façades démultipliées... Il y a toujours une ou plusieurs fenêtres pour renvoyer ses rayons à l'intérieur du salon.
J'ai vécu vingt ans dans cet appartement baigné de lumière solaire, cette année est la vingt et unième, trente ans plus tard!
Je ne voulais pas lui faire de peine! Du moins c'est ce que j'avais envie de dire. Sous-entendu que je lui en aurais sans doute fait en lui disant ma vérité, à savoir qu'il se trompait totalement s'il pensait pouvoir faire quelque chose pour moi. Ce soir, je crois être sûr que son rôle, du moins celui que je peux lui accorder, ne ferait que me précipiter dans le danger, vers ma propre mort ou peut-être pire, dans une folie de terreur.... Il y a une phrase terrible que j'ai notée dans le carnet de couleurs sur Virginia Wolf. L'éblouissement des quelques centaines de rectangles peints et des milliers de petits carrés coloriés avec soin sont là pour restituer le fantastique dynamisme que Virginia exprime dans Mrs Dalloway et qui déguiserait cette phrase terrible justifiant son suicide par noyade!...
La journée se termine un peu comme trente cinq ans auparavant quand on avait vaqué sans trop d'efficacité toute la journée et que soudain, sur le coup de cinq ou six heures de l'après-midi, un nouvel horizon se dessinait avec une nouvelle dynamique, des possibles latents, un nouvel élan interne, des actions à décider d'entreprendre... Nous étions prêts alors à faire des projets, un repas, une sortie ensemble, une soirée animée ou un week-end ailleurs... Ce soir, je sais que je vais écouter de la poésie. Est-ce que demain l'image du psychanalyste va encore interférer dans ma pensée?... Peut-être pour cette phrase terrible que je note enfin. Elle était d'ailleurs sous-jacente à mes journées d'antan sans pourtant que je la connaisse... Toutes mes amies incarnaient cette soeur perdue!
"Définitivement captive du fantasme, Virginia Wolf ne pouvait plus que le réaliser, accomplir ce geste que l'écriture lui avait permis si longtemps de différer et par ce geste, coïncider absolument avec son texte." (Françoise Pellant)
Réécrite il y a déjà plus de quatre ans cette phrase est toujours présente dans ma relation psychanalytique comme un écran, un panneau d'affichage: attention, danger, chutte de pierres ou autre panneau suceptible d'entraîner la mort! Que peut-il savoir de tout ça ce psychanalyste-là!

LE COMPLEXE
























11ème§ - LE COMPLEXE
Je continue l'histoire qui part de Freud, une journée toute à ça pour aller jusqu'au bout de ce complexe qui emmêle, enchevêtre le nom du père, en passant par Freud le premier de tous les psychanalystes, puis l'obsession de mon propre thérapeute dont l'image travaille en moi et enfin, mon père dont le souvenir est présent dans cet appartement avec ma soeur. J'assistais à leurs démêlées, ma soeur en sortait vaincue... Je lui apportais mon dessert en signe de solidarité!
Comment puis-je savoir pourquoi je me suis toujours appliqué à me currer le nez pour en extraire les croûtes gluantes que je collais jadis sur la tête de mon lit?... Au point qu'aujourd'hui, et je m'en préoccupe, ma muqueuse nasale saigne de façon quotidienne depuis sept ou huit ans!
Le chagrin de ma soeur s'exprimait par une colère autodestructrice: elle pleurait en reniflant bruyamment comme pour s'acharner. Je me souviens de quelques photos où l'on voyait son visage contracté dans un rictus de rage impuissante. C'est du moins ce que j'y lisais! Je ne me souviens pas l'avoir vu se rebeller. Ma mère intervenait toujours trop tard en disant: "on ne parle pas des problèmes à table!"... Je ne me souviens pas les avoir entendu discuter ailleurs!

AU DELA DES MOTS























10ème§ - AU-DELA DES MOTS
Pourquoi est-ce que je lui raconte tout ça?...
Ce matin, ma vie pèse à nouveau très lourd. Ce matin, depuis longtemps, je peine à la porter... Dans mon demi-sommeil les questions se reposent lourdement avec des critères résolument illégitimes, informels et très probablement infantiles! Je nage à nouveau en eau trouble et ...sale!
Pourquoi suis-je si lourdement préoccupé par son insistance?... C'est son méier, c'est la méthode qui lui permet d'aider les gens. Le seul problème, c'est que je sens que la psychanalise peut m'emmener à une mort prématurée par suicide... La seule chose qui me sauve sont les enfants. Mais je me sens déjà tellement orphelin que j'ai du mal à vraiment intégrer mon rôle de père... Je l'oublie les trois-quart du temps: je me laisse entraîner vers ce désir mortifère que j'ai appris à vivre dans mon enfance...
Quelque part je lis l'histoire, en partant de Freud, de la peur de tuer tout le monde ou quelqu'un de précis ou du moins d'en être accusé... Avoir le sentiment d'avoir commis ce meurtre en l'ayant désiré! Pour moi, le meurtre est fait: ma soeur est morte, je n'étais même pas encore sorti de l'enfance. Elle était mon héroïne, mon modèle, l'égal de Dieu. Elle était ma salvatrice puisqu'elle m'avait sauvé de la noyade et j'ai cette dette de reconnaissance... Mon modèle est parti dans la mort, comment puis-je le faire aussi?... Peut-être en décollant le plus possible de cette vie matérielle, fragile, décoller de ce danger de mort latent, omniprésent... Une épée de Damoclès sans cesse suspendue au dessus de la tête!
Se préserver d'un danger qui ne fait même pas partie de la sphère humaine! La terreur que procure un ennemi impalpable, inconsistant, parallèle à l'existence terrestre, un danger impossible à circonscrire... Il est partout, n'importe quand et n'importe où! Il me faut sans cesse le braver alors qu'aucun signe matériel ne le caractérise.
Face au phénomène, mon attitude est la passivité: plus rien n'est signe, le sens des choses, des évènements est au-delà. C'est au-delà qu'un sens peut se découvrir, la matière n'a aucun sens devant la mort! L'au-delà de la matière, je l'ai trouvé dans les mots...

mercredi 5 décembre 2007

LA REPRISE DE LA CURE
























9ème § - LA REPRISE DE LA CURE
Je suis très satisfait d'avoir pu dire non! Sans doute ai-je balancé cette situation pour en arriver là, pour régler mon compte avec le problème que la cure me pose. Tout ce que la cure m'a fait endurer alors que je me suis livré totalement à l'acte... Il était un livre ouvert qui racontait une leçon qui semblait contrer tout ce que je disais.... Mettre les choses au point, OK! Mais je me suis senti floué dans ma demande. Finalement, il a lâché le bout de gras, j'ai payé avec ma carte et il s'en est remis à mes exigences. Je souris piteusement d'une bataille gagnée que je ne désirais pas engager. D'une certaine façon, ma parole est devenue un piège dans lequel il s'est jeté, l'entretien en a été le combat! La force que je sens ce soir à travers tous mes gestes me le prouve. Pourtant nous avons chacun raison de nos places respectives...
Je sens en moi mon adolescence qui me renvoit devant mon père. Cette impression de porte à faux, cette impression d'entendre "Tu l'as fait!"... Fait ce qui est interdit... "Tu as choisi l'interdit!" Dans le quotidien mon père ne réagit pas. Il parle en apparté avec ma mère pour faire leur consensus contre le phénomène. Moi, sujet, je n'existe plus. Ma position solitaire, privée de partenaire me rend coupable et pourtant je gagne toutes les batailles... Aujourd'hui encore. Une compétence qui apporte un pouvoir que je n'ose pas m'approprier... C'est dangereux de posséder un pouvoir, de s'en servir, c'est un engagement, une responsabilité qu'il faut assumer aussi bien dans les victoires que dans les échecs...
Il s' installe dans son fauteuil et moi devant dans le "mien" avec ce mouvement du menton pour me donner la parole. Je prend un temps puis, avec d'infinies précautions langagières je lui ai "passé la main". Il a nié tout ce que j'avais entendu de lui la dernière fois. On dirait un marchand de tapis. Il s'enfonce dans ce rôle! J'ai peur qu'il se désiste, qu'il refuse de me recevoir le mois prochain, qu'il déni d'avoir ce "suivi" auquel je suis astreint.
Il parle comme si je voulais continuer la cure à laquelle j'ai fait référence. On dirait qu'il ne veut rien faire d'autre, qu'il déni son statut de psychiatre: "ici, on fait comme ci, ça se passe comme ça!"... est-ce une injonction à mon encontre?... Une injonction à base psychique à laquelle je dois me soumettre?... Veut-il m'instrumentaliser? Toujours les mêmes propos mais je ne me laisserai pas faire... Je ne partirai pas sur la pente dérapante en le laissant tranquilement sur le bord! Pendant que je fais le chèque, il se lève et se plante devant le divan. Je voudrais lire sur son visage l'expression de son échec avec mon regard condescendant... Je ne veux pas lui lancer ce défi!
Mes premiers pas sur terre ont été motivés par un chien. Souvenir matinal. C'était un caniche m'avait signalé ma mère. Je viens de rêver qu'un chien arrivait vers moi en frétillant de la queue. Je me lève alors soudainement malgré la lourdeur de mon état. J'ai rêvé ensuite que je me savais dormir dans mon rêve et malgré tout je rêvais que je sautais à bas du lit! Lorsque je me réveille réellement, je m'étonne d'être encore dans mon lit! Je ne vois pas de chien. Je suis persuadé que c'est pour ça qu'en fait je ne suis pas debout!... Est-ce que c'était ainsi que je voyais ma vie: me lever pour soigner les animaux?... Le discours du psychanaliste devient n'importe quoi!

samedi 1 décembre 2007

LA PEAU DE BANANE !








8ème § - LA PEAU DE BANANE
Vite! Poser ce nom, ce "non"! Cette négation que je n'ai pas su dire. Je ne veux pas venir toutes les semaines et encore moins deux fois par semaine! Je ne veux pas me casser la figure sur des peaux de bananes! Je ne veux pas avoir à subir ces chuttes systématiques provoquées par une parole, des paroles inconscientes du danger que je courre et maladroites dans leur façon de me "prendre" pour un "tout un chacun" de base!... Une heure plus tard je me dis: je ne veux plus m'allonger sur le divan, faire le bébé dans son berceau pendant trente minutes, me lover dans le ventre de ma mère et ne pas parvenir à en ressortir... Quand je repartais de là, je me sentais dépecé en mille morceaux, mis à nu, glacé... Je ne veux plus vivre ça, cette humiliation! J'étais réduit à si peu de chose, privé de mon humanité, privé de reconnaissance dans ce lieu que je n'habitais même pas!

LE QUOTIDIEN
























7ème § - LE QUOTIDIEN
Je reste stupéfait, ébahi par ma découverte! Je n'ai plus vraiment grand chose à dire là-dessus pour le moment, j'en suis certain puisque j'ai fait le choix d'une action à engager. Malgré tout, j'erre dans la maison sans pouvoir quitter le stylo! Je reste attaché à ce geste qui dessine interminablement ces signes sur le papier. Le geste qui répète continuellement ces centaines de textes, devient salvateur, devient la vie elle-même, une vie matérielle hors du commun, une vie qui refoule le quotidien habituel. Une nouvelle réalité, un autre vécu! Je cherche le passage entre ce "hors du commun" et le "commun".
Prendre un bain, m'habiller, faire une course sont difficiles à entamer. Une espèce d'angoisse sourde m'attache à ce stylo comme à une bouée de sauvetage. Angoisse de se noyer, de se perdre, d'avoir à se débattre alors qu'une solution très confortable existe, qu'il suffirait peut-être de ne pas abandonner pour être tranquille... Précisement de la même façon que lorsque j'en ai marre de me confronter depuis "x" temps à ce réel avec lequel il faut sans cesse tout recommencer à zéro! Se remettre en cause, devoir être un enfant devant les apparences du monde. S'oublier pour s'adapter (Erwin Panovsky)... Pour, en s'oubliant, dériver sans le voir... Une mer dont les courrants invisibles et changeant m'éloignerait des côtes où j'aurais installé mon refuge...
Quand il n'y a pas de quoi avoir peur, il reste encore la peur. C'est elle qui devient le moteur de l'adaptation, la possibilité d'une intelligence qui va me découvrir autre dans ce quotidien étonament proche et si étrange cependant!