lundi 20 août 2007

ATTACHEMENT et PANIQUE


§ 12 - ATTACHEMENT & PANIQUE
Je voudrais bien, ce soir, raconter cet attachement que je sens si doux!... J'y suis décidé, après une espèce de valse hésitante qui m'a fait renoncer souvent à le "coucher" sur le papier.
Passage à l'acte refusé autant de fois que possible jusqu'à présent! Je n'ai pas voulu le gâcher par maladresse, par exemple: écrire le mauvais mot par précipitation, gâcher ce que je considère comme un trésor, plus encore, une véritable bouée de sauvetage à laquelle je suis conscient d'être accroché... Quand je voulais en parler, c'était parce que je voulais le lui dire... Mais cela ne pouvait se faire: c'est son métier d'aider, ce n'est pas sa vie entière! Il n'y a jamais eu d'accroche de sa part... Si je me permet cet attachement, c'est sous condition d'en rester lucide: Je me sens autorisé à fantasmer tout ce que je veux pourvu que je ne lui demande pas de partager sa présence dans mon émotion. Cela doit rester tacite, secret, non partagé.
Ce soir, je n'ai pourtant plus cette impression de céder à une impulsion désordonnée, encore moins de gâcher quelque chose... J'ai la très nette impression qu'il est possible de le raconter: extérioriser le secret au risque de la dépossession devient possible, comme s'il n'y avait plus de danger à le faire maintenant... Quel danger? De quel danger s'agit-il?... Faire n'importe quoi sous le coup de l'impulsion au point de rendre le secret "dégoûtant"? Ou bien encore danger de faire perdre au secret sa valeur, sa fonction même de secret! La soudaineté du phénomène m'a souvent étonnée: n'y a-t-il pas une erreur quelque part?... Et puis, tout réfléchi, non! Je sens chaque fois d'une nouvelle façon que c'est possible!... Aujourd'hui, je veux tenter!
En fait, je commence par écrire cette possibilité qui m'apparait de pouvoir répondre au désir. J'écris deux pages, puis, soudain je pars dans un sommeil étonnamment profond et merveilleux qui n'a de cesse de me surprendre par sa sérénité!... Avant que le jour ne se lève, j'ouvre un oeil fort étonné de me sentir si bien, dans du coton comme on dit, d'être un tas de chairs relâchées, molles, étendues là, sur ce lit, sous le tulle... Comme une bonne pâte à pain qui repose en s'étalant doucement, imperceptiblement sous l'effet du levain! Je suis en train de fermenter, d'être en passe de devenir ce pour quoi j'ai été fabriqué!... Est-il besoin de dire que je choisi de conserver ce moment-là comme signifiant, porteur du sens de ma présence humaine sur cette terre? Que, prolongeant ce repos merveilleux dans un rapport contraire à la nuit précédente qui a été remplie d'angoisses et de douleurs physiques, que, plusieurs petites séquences de sommeil finirent par me renvoyer dans un vrai "très mal-être" existentiel et que, renonçant à prolonger cette chutte indubitable, je décide de me lever et tente de récupérer une raison d'être parmi toutes celles que j'essaye de construire depuis des mois... Je ne veux pas m'affoler, je ne veux pas sombrer dans cette panique qui me dépossède de mes moyens, de ma volonté, qui m'anéenti, qui me démoli, qui me réduit au rang de larve... Je reprend mon écriture, elle seule peut me caresser, je reprend mes carrés de couleurs qui peuvent, eux, m'enchanter... Cela doit pouvoir sembler suffir à rester en vie tranquillement dans cette journée... Pourquoi pas?
Accepter cet état de convalescence, accepter d'être là, exposé au soleil ou aux nuages comme les grands arbres, les pierres, le ciment de la restanque... Exposé peut-être aussi au regard des autres, de la jouissance des autres... Faire parti de cette famille où je suis ceci et cela, appartenir à quelqu'un, assumer cette appartenance, la jouer dans la demande de l'autre, dans le temps partagé de l'écoute, apprendre ce rôle, trouver la pratique de la fonction à vivre pour l'autre, en construire le sens, en échanger la logique... Larmes aux yeux!... Devenir quelqu'un pour quelqu'un d'autre tout en restant moi-même et investi par la parole de l'autre... M'aurait-on tué dans cette vie de moi-même au point qu'il ne me reste qu'une enveloppe vide! Je suis son contenant inutile qui cherche avec acharnement quelque chose à mettre dedans... En sachant bien l'ennui de ces choses qu'on peut y mettre... Ne rien y mettre? Ou bien y mettre des choses à partager avec les autres, une espèce de bien collectif pour arriver à parler d'égal à égal, là où je sais trouver une place!...

PANIQUE?...
Là où j'ai été, je ne suis plus... J'ai perdu ma place, je n'ai plus su la tenir. J'ai dû partir, fuir!... Aujourd'hui, je suis là, non plus dans cette place que j'occupais et pas dans une autre... Entre deux. Je suis seul à pouvoir le dire mais ça ne me donne aucune place en présence des autres! Je crois que tout m'est interdit, surtout l'argent que je reçois! Je me sens seulement autorisé à le redistribuer à qui de droit, sans plus! Le débat intime est ouvert pour éclairer la situation présente, mise à plat de la charge du passé dans le temps présent... Je voulais raconter la volupté dans laquelle j'étais plongé avec ce sentiment de protection que je m'étais inventé sur le dos d'un autrui consentant, dans l'unique but de survivre... C'est pas tous les jours qu'on peut y goûter à la volupté mais quand on le peut, ça renforce le sentiment de protection!
Je n'ai pas rempli mon contrat de désir d'écrire, de "coucher" cet attachement sur le papier... Je n'ai pas "couché" la souffrance à laquelle je me suis prêté, dans la beauté d'un texte écrit dans l'état second de la douleur... Texte pour me consoler? En lieu de cela, j'écris une analyse des processus de protection qui m'amènent à adopter l'écriture le dessin, les rencontres, l'écoute... Et puis je me jette sans vergogne dans un poids fictif du passé... La belle affaire!... L'exil, la mort, les contraintes... Les échecs de la vie, les répétitions... Le destin? Mais en sus, la beauté d'une esthétique de la souffrance par le texte, l'émerveillement de ses subtilités dans le langage et la possibilité enfin de n'en plus souffrir!... et même d'en jouir!
Devant moi se profilent d'innombrables heures de méditation en faisant des petits carrés de couleurs et d'innombrables moments pour "coucher" des textes sur le papier et d'innombrables moments à me renconter dans le regard de l'autre... Tout cela est bien suffisant pour faire une vie! Point tant de désespoir à avoir... Et pourtant, chaque instant en est rempli!

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