mercredi 28 novembre 2007

LA DETTE DE GUERRE





















6ème § - LA DETTE DE GUERRE
Troubles du matin, au singulier ou au pluriel, on ne sait pas... Peut-être peut-on le voir très simplement: un flash puis, l'image mystérieuse éclate soudainement en une vérité implacable, évidence majeure de cette réalité opaque qui ne veut pas se laisser prendre!
Puis le corps-douleur tout doucement se signale... Il faut prendre soin de lui, poser la tête sur l'oreiller quelques centimètres plus à droite ou à gauche, lui dire de se détendre, d'y croire, de croire que ça va marcher, qu'il est bien au chaud dans le duvet... Justement! En quelques minutes il a trop chaud! Il se réveille, il n'en peut plus! Je le découvre, je lui fait sentir la fraîcheur de l'aube à venir, je lui occupe l'esprit avec un peu de Nietzsche!...
Plusieurs fois, il me fait ce cinéma... et puis, c'est le ventre! Il se plaint de trop plein, il ne sait plus où les mettre, il y en a déjà trop, il essaye de bourrer, il n'y arrive pas... Il y en a de partout... et, finalement, un rêve:
Il a neigé cette nuit ou les jours précédents. Ma tante conduit la voiture. Une adolescente nous accompagne, sortie de je ne sais où! Nous allons vers la station de ski par la route empierrée que l'on connait bien. Sitôt passé le tunnel, la montagne nous dévoile ses plaques de neige épaisses et rutilantes. Les constructions immobilières ont bien avancé depuis la dernière fois. Ma tante s'étonne de cette remarque. A ce moment exact, elle ne voit pas l'appendice métallique vers lequel la voiture s'approche dangereusement. Je tente d'intervenir en bloquant le véhicule et en réveillant la tante. Son visage est gris... Le rêve est fini!
Une telle incompétence me jette au pied du lit! Je ne peux accepter un tel hermétisme! L'absurdité de ce rêve m'est insupportable, je refuse de tenter plus longtemps d'en rêver un autre de ce genre. Il n'y a plus ici aucun intérêt et même, ce serait courrir le risque de vivre pire en laissant de nouveau le sommeil agir...
Je sais que c'est comme une dette que je viens de contracter. Je sais que dans ce rêve, il y a un idéal contrarié et même doublement contrarié, peut-être même vicieusement. Derrière cela, il doit justement y avoir ma propre incompétence! Qui serait de m'être laissé prendre par des interprétations érronées... Vice de forme que cette douleur dans la parole des autres, dans cette systématisation qui perdure depuis plus de cinquante ans. J'en viens à l'appeler "noeud" de famille. Sur ce sujet, si ce n'est le silence, c'est toujours la première réaction qui surgit, le premier rejet sans que d'aucune bouche on en sache la cause exacte...
Je tiens à voir cette scène récurrente comme un consensus collectif mystérieux: c'est la tante qui va porter le trouble insupportable de cette guerre! Chacun s'est débrouillé comme il a pu pour sauver plutôt son honneur bafoué(de toute façon) que sa peau. La tante, elle, a décidé qu'elle avait fait la faute qu'il ne fallait pas faire. Tout le monde a plus ou moins fait cette faute quelque part, on ne sait pas trop comment et c'était aussi ça , la délation, la terreur d'être dénoncé de rien ou de tout... Lourd fardeau! Alors, tout le monde est parti: la débâcle...
Impossible de raconter ça à ceux qui l'ont vécu! L'idéal de chacun a été balayé par une réalité implacable. L'esprit de famille, de clan a été massacré, il l'est souvent pour des tas d'autres raisons, l'oncle en a été le germe aux yeux de ma mère, le marché noir, la cause pour les autres.Le seul à s'approcher de la vérité serait mon père, celui qui ne doit pas parler, l'aîné qui a pour tâche de proférer la parole juste et rabouter tout le monde, il est la personne référente... Par chance, c'est mon propre père! Avec ses mots, je complèterai mon histoire pour que ma famille puisse cesser ce jeu du bouc émissaire! Je vais inventer cette famille pour que cesse cette dette qui porte aujourd'hui le ridicule jusqu'à la douleur.. Moi aussi, je vais sauver ma peau!

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